Faux diplômes, CV mensongers : quelles conséquences ?
1. La nullité du contrat de travail pour dol
Selon l’article 1116, al. 1er du Code civil, applicable au contrat de travail « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. »
Sur le fondement de ce texte, l’employeur peut solliciter l’annulation du contrat de travail s’il parvient à établir que les manœuvres du salarié (mensonges sur le CV, les diplômes, l’expérience…) ont été déterminantes dans son embauche (Cass. soc. 18 décembre 2001, n° 99-46255).
A titre d’exemple, commet un dol le salarié mentionnant sur son CV un faux diplôme de conseiller en économie sociale pour obtenir le statut de cadre social, alors qu'il ne dispose que de la qualification d'auxiliaire de vie (CA Paris 8 avril 2010, n° 08/01853).
En sens inverse, le fait pour le salarié de se présenter comme occupant toujours un poste au sein d'une entreprise, alors qu'il avait quitté cet emploi un an avant et avait postérieurement été embauché par une autre société, ne suffit pas à entraîner la nullité du contrat de travail (CA Paris 9 juin 2009, n° 07-5656).
En l’espèce, l'employeur ne démontrait pas que, s'il avait su la vérité, il n'aurait pas engagé le salarié, se contenant d’invoquer une perte de confiance.
De même, la mention d'une expérience professionnelle imprécise et susceptible d'une interprétation erronée dans un CV n’est pas suffisante pour obtenir la nullité du contrat de travail pour dol (Cass. soc. 16 février 1999, n° 96-45565).
En définitive, la nullité du contrat de travail pour dol reste une action exceptionnelle.
2. Le licenciement motivé par la production de faux diplômes
En présence de faux diplômes, l’employeur peut légitimement souhaiter procéder au licenciement du salarié, si celui-ci fait preuve d’une insuffisance professionnelle ou si le diplôme est nécessaire à l’exercice de l’activité de ses fonctions.
Ainsi, repose sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute du salarié d'une banque ayant prétendu mensongèrement, lors de son recrutement, être titulaire d'un BTS de comptabilité et de gestion, alors que l'employeur était en droit d'exiger de sa part une honnêteté et une loyauté irréprochables (CA Lyon 25 juin 2010, n° 09-6376).
Attention : l’employeur doit être vigilant lors de l’embauche et vérifier systématiquement les diplômes du salarié.
En effet, la Cour de cassation a jugé qu’est injustifié le licenciement pour faute grave du salarié ayant usurpé la qualification d'aide préparateur, dès lors que l’employeur a lui-même commis une faute en ne vérifiant pas la qualification alléguée lors de l’embauche (Cass. soc. 30 mai 1991, n° 88-42029).
Une solution identique a été retenue postérieurement par la Cour de cassation (Cass. soc. 2 mai 2000, n° 98-42127), à propos d’une salariée engagée en qualité d'animatrice sportive, alors que l'employeur n’avait pas vérifié qu’elle était titulaire du diplôme ou de l'agrément requis pour exercer ses fonctions.
Cette position a également pu être adoptée par plusieurs juridictions du fond (CA Montpellier 24 juin 2003, n° 03-395 ; CA Versailles 22 février 2005, n° 04-1383).
Si l’employeur doit être vigilant lors de l’embauche, il ne doit pas laisser tarder à réagir lorsqu’il découvre que le salarié a menti sur ses diplômes.
Ainsi, l'employeur qui savait, au moment de l'engagement du salarié, que celui-ci n'était pas encore inscrit au tableau de l'ordre des pharmaciens et qui a laisser perdurer cette situation pendant 4 ans, ne peut se prévaloir d’une faute grave (Cass. soc. 15 mai 2002, n° 00-41730).
Sous cette réserve, il est admis que le défaut de diplôme nécessaire à l'exercice d'une profession réglementée constitue par principe une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 14 juin 2007, n° 06-41637).
3. Les incidences des mensonges du salarié en matière de formation professionnelle
Par principe, l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations (C. trav. art. L. 6321-1, al. 1er et 2).
Il en va cependant différemment si le salarié a expressément indiqué, lors de l’embauche, détenir certaines compétences.
A titre d’exemple, si l'utilisation des logiciels photoshop et Illustrator est indispensable à l'exercice des fonctions d’une salariée, l'employeur n’est pas tenu d'une obligation de formation à l’égard de cette dernière, dans la mesure où elle mentionné sur son CV en maîtriser l'utilisation (Cass. soc. 30 janvier 2006, n° 05-42130).
Il en résulte logiquement qu’un salarié ayant menti sur ses compétences ou ses diplômes ne pourrait pas se fonder sur l’obligation d'adaptation au poste de travail, pour faire reconnaître le caractère injustifié de son licenciement pour insuffisance professionnelle.
4. La condamnation pénale du salarié
Le fait de produire de faux diplômes est susceptible de caractériser le délit de faux prévu et réprimé par l’article 441-1 du Code pénal.
Selon ce texte, « constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. »
Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende (C. pén. art. 441-1, al. 2). Si les conditions visées par le texte sont réunies, le salarié ayant fabriqué de faux diplômes présentés à l’employeur s’expose à une condamnation pénale.
Xavier Berjot
Avocat Associé
OCEAN Avocats
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